Un petit conte pour la route  
Le choix d'Amalia Ce que père fait est bien fait
Dans une maison de paysans habitaient deux vieilles gens, un paysan et
sa femme. Ils n'avaient presque rien, et pourtant ils se trouvaient
avoir quelque chose de trop, un cheval, qu'ils laissaient paître dans
le fossé près de la grand-route. Le paysan l'enfourchait pour aller à
la ville, et de temps en temps le prêtait à des voisins qui, en retour,
lui rendaient quelques services. Mais les vieux pensaient qu'il serait
meilleur pour eux de vendre le cheval ou de l'échanger contre quelque
objet plus utile. Mais contre quoi ?
- Fais pour le mieux, mon vieux,
disait la femme. Il y a une foire à la ville. Vas-y et vends le cheval,
ou fais un échange ; ce que tu feras sera bien fait. Là-dessus, elle
lui fit un beau nœud au mouchoir qu'il avait autour du cou, bien mieux
que lui-même n'eût su le faire. Puis elle lissa son chapeau avec la
main pour que la poussière s'y attachât moins et l'embrassa. Le voilà
parti sur son cheval, pour le vendre ou l'échanger.- Oui, oui, le
vieux s'y entend, murmurait la vieille mère.Le soleil brillait dans un
ciel sans nuage. Il y avait beaucoup de poussière sur la route, car il
passait beaucoup de gens qui se rendaient au marché en voiture, à
cheval ou à pied. Nulle ombre sur le chemin. Parmi ceux qui marchaient
à pied, il y avait un homme qui poussait devant lui une vache. Le vieux
pensait :- Elle doit donner du bon lait ! Cheval contre vache, ce
serait un bon échange. Ecoute, l'homme à la vache. Je veux te proposer
quelque chose. Un cheval est plus dur qu'une vache, n'est-ce pas ? Mais
cela ne me fait rien, car une vache me serait plus utile. Veux-tu que
nous troquions ?- Avec plaisir, dit l'homme à la vache. Et ils firent
l'échange. Quand ce fut fait, le paysan eût pu revenir, puisqu'il avait
obtenu ce qu'il voulait. Mais, comme il était parti pour aller au
marché, il voulut s'y rendre, ne fût-ce que pour y jeter un coup d'œil.
Il poussa donc sa vache devant lui. Il marchait très vite. Peu de temps
après il vit un homme tenant un mouton par une corde. C'était un mouton
bien gras.
- Il ferait rudement mon affaire, pensa notre homme. Nous
aurions bien assez de nourriture pour lui sur le bord du fossé, et en
hiver nous pourrions le garder dans notre chambre. Au fond, un mouton
vaudrait mieux pour nous qu'une vache. Veux-tu troquer avec moi ?
demanda-t-il.- Parfaitement, dit l'autre. On troqua donc et notre
paysan continua sa route avec son mouton. Tout à coup il vit, dans un
petit sentier, un homme portant une grosse oie sous le bras.
- Diable !
voilà une fameuse oie ! S'écria-t-il. Elle a beaucoup de plumes et est
bien grasse. Ça ferait bien l'affaire de la mère ! Elle pourrait lui
donner nos restes, car elle dit souvent : "Tiens ! si nous avions une
oie pour manger ça ! " Veux-tu changer ton oie pour mon mouton ?
L'autre ne demanda pas mieux. Notre paysan prit donc son oie. Il était
alors tout près de la ville. Il y avait foule sur la grand-route. Le
champ de foire était plein de gens et d'animaux ; on se pressait
tellement que des gens passaient dans les champs de pommes de terre à
côté. Il y avait là une poule attachée par les pattes. Elle manquait
d'être écrasée à chaque instant. C'était une très belle poule, avec des
plumes très courtes sur la queue. Elle clignait des yeux et faisait :
Glouk ! glouk ! Je ne puis vous dire ce qu'elle voulait dire par là,
mais le paysan s'écria :- Jamais je n'ai vu si belle poule. Elle est
plus belle même que la poule du pharmacien ! Je serais heureux de
l'avoir. Une poule trouve toujours à se nourrir sans qu'on s'occupe
d'elle. Ce serait un bon échange.
- Voulez-vous changer votre poule
pour mon oie ? demanda-t-il au receveur de l'octroi, à qui appartenait
la poule.
- Comment donc ! dit l'autre. Le paysan prit la poule, et le
receveur prit l'oie. Notre homme avait bien employé son temps. Il avait
chaud et se sentait fatigué. Un verre d'eau-de-vie et un peu de pain
lui étaient bien dus. Justement il était devant une auberge. Il entra.
Mais au même moment arriva un garçon portant un sac plein sur le dos. -
Qu'as-tu là-dedans ? demanda notre paysan.
- Des pommes gâtées, dit
l'autre ; tout un sac, pour les cochons.
- Tout un sac plein de pommes
? Quelle richesse ! Voilà ce que je voudrais bien apporter à ma femme.
L'an dernier, nous n'avons eu qu'une pomme sur notre vieux pommier ;
nous l'avons laissée sur notre commode jusqu'à ce qu'elle pourrît. "
Cela prouve qu'on est à son aise ", disait la mère. Mais, cette fois,
je pourrais lui montrer quelque chose de mieux.
- Que m'en donnerais-tu
? dit le garçon.
- Donne, dit le paysan. Je change ma poule pour ton
sac.…
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