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n°23


décembre 2013



L'origine des caillettes, maouches et autres bombines.
Un conté écrit par Sophie Courtois.

                                                         poisson

                                                                   


Après la pluie le beau temps et l'occasion de voyager près ou loin, l'occasion de traverser les mers pour des causes diverses et variées, parfois symboliques, pour l'éternité...

Lui, il n'avait pas envie, il n'avait jamais pensé voyager et pourtant, il le ferait malgré lui.

Lui, c'était le vieux Marcel, il aimait pêcher sur les bords de l'Ardèche et toutes les semaines, il pêchait dans un endroit gardé secret mais toutes les semaines, il rapportait des poissons étranges, bizarres, que lui seul pêchait dans l'Ardèche.
Il pêchait des zardachoux cendrés, des zalbenasses trois couleurs, des carpes caillettes, des maouches à grandes dents, des bombines marteau, bref, des poissons qui ont inspiré par la suite la gastronomie ardéchoise...

Mais comment faisait-il pour ramener des poissons pareils ?
C'est ce que tout le monde se demandait.

Eh bien, c'était il y a longtemps.
Marcel était amoureux de la belle Honorine, une belle rousse d'Aubenas et comme il était timide et qu'il n'osait pas lui parler, il la suivait et un soir de pleine lune, il la voit se rendre sur les bords de l'Ardèche et prononcer cette phrase énigmatique :

- Per la notche, emmène mey au pais lointain !

Et pfut, la belle rousse disparue !
Et notre Marcel qui n'avait pas les deux pieds dans le même sabot, ni une ni deux :

-Per la notche, emmène mey au pais lointain !!

Et pfut, disparu le Marcel mais il vole à toute vitesse, il vole au dessus de l'Ardèche et au dessus du Rhône et il traverse la mer Méditerranée, tout ça en une seconde seulement, ça lui décoiffe la calvitie qu'il avait eue jeune, à la majorité, un cadeau de ses géniteurs et il s'envole plus haut, il atterrit sur une autre planète, sur les bords d'une rivière bizarre avec des plantes bizarres et des poissons bizarres comme il a jamais vu.
Mais il voit surtout son Honorine toute nue et qui danse au milieu de sorcières.
Oh, il se fait tout petit au pays des sorcières.
Et les heures passent et il ne bouge pas, quand il entend l'Honorine dire :

-Per la notche, ramène mey dans mon lit !

Et pfut, la belle rousse disparue !
Et notre Marcel qui n'avait pas les deux pieds dans le même sabot, ni une ni deux :

-Per la notche, emmène mey dans son lit !

Et Marcel presque aussitôt, il est dans le lit d'Honorine.
Se passa ce qui devait se passer.

Mais dès le lendemain, il a eu une idée : faire chanter la belle Honorine.
Car à l'époque, quand on était sorcière, c'était pas bon de le dire, de le répéter.
Ca portait malheur !

-Je dirai rien de ta condition et en contrepartie, tu m'épouses et tu me ramènes toutes les semaines les jolis poissons que j'ai vus dans ton maudit pays de sorcière.

Et c'est ce qu'elle a fait et jusqu'à sa mort, Marcel ramenait ses fameux zardachoux cendrés, des zalbenasses trois couleurs, des carpes caillettes, des maouches à grandes dents, des bombines marteau et il les vendait aux aubergistes d'Aubenas qui avaient une sacrée réputation.

Et quand notre Marcel est parti rejoindre le pays de l'eau delà, un autre voyage, les aubergistes ont inventé de nouvelles recettes que vous connaissez tous, les caillettes, les maouches et les bombines.

Qui aurait cru que ces spécialités venaient de si loin ???



Un conte écrit par Sophie Courtois à l'occasion de la "fête des fontaines" à Aubenas, juin 2013.