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n°27


décembre 2016

Balade avec des ours.

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Impossible d’intituler ça « mes ours », qui fait penser à une expression inusitée et inappropriée.

Voyage en « oursie » alors ? Ça consonne trop avec Russie.

« Mes Nounours » ? Et non, justement ! Mon cher nounours, « Bouzou » de son prénom, âgé d’un certain nombre de décennies, tout pelé mais encore souriant, n’a rien à voir avec cela…

Tout est parti d’une demande de la Maternelle : toute l’école (3 classes) a comme projet d’écrire un même texte illustré par trois fois par trois « illustrateurs Jeunesse » de talent :
L’une – Evelyne Mary – est la maman d’une petite fille de l’école, les deux autres sont : Lionel le Néouanic et Ilya Green. De « grosses pointures » parmi les illustrateurs jeunesse !

Il fallait un héros. Au début la demande était : contes et albums tous azimuts et les enfants choisiront leur héros. Et puis finalement  les maîtresses ont choisi : ce sera un ours.

Alors au hasard des livres déjà présents à la Médiathèque comme les deux documentaires « adultes » et ceux arrivés par la navette de la Bibliothèque départementale de Prêt de l’Ardèche … voilà ma balade chez les ours.

De Michel PASTOUREAU : L’Ours : un roi déchu, Seuil, 2007 : lu avec passion et lenteur, tant sa richesse est grande. Commençant à la Préhistoire, il finit de nos jours avec les nounours et la réintroduction des ours dans les Pyrénées.

A ce propos j’ai lu aussi un roman pour la jeunesse : « L’attaque de l’Ours », Rageot, collection Cascade écrit par Alain Surget avec des illustrations de Bruno Pilorget, publié en 1995.

Le livre de Pastoureau – qu’on trouve en format poche - est plus fort que celui d’Imago  : catalogue des croyances, des connaissances, sans thèse forte. (L’ours et l’homme dans la société traditionnelle européenne. Michel Praneuf, 1988).

Ensuite j’ai lu de Valentin Pajetnov « Avec les ours » paru à Actes Sud en 1998. Seulement 1430 résultats de recherche sur google – c’est peu, très peu au regard du contenu passionnant du bouquin.

La seule note que j’ai prise – pour pouvoir le répéter – car le reste je l’ai absorbé en perfusion directe est celle-ci : « En général les ours règlent leurs différends territoriaux d’une manière pacifique, par signaux interposés, sans confrontation directe, évitant par là le recours à la force. Attention, ce n’est pas pure humanité mais pure ursité. En  effet la population des plantigrades a tout à y gagner car les combats d’ours sont féroces et parfois mortels. »

« Maraudeur » aussi : ce sont ces ours qui n’ont pas suffisamment de réserves de graisse pour hiberner et qui maraudent. Comme celui que ma nièce a vu EN VRAI dans le jardin de sa maison louée dans le Connecticut l’hiver dernier. J’ai vu le petit film. Peur et attraction mêlées.

Je me rends compte aussi que je réagis à chaque fois que je vois écrit le mot « ourson » : je fonds. C’est ainsi.

A la fin du livre, Valentin explique comment depuis ses trois premiers, il a acquis de l’expérience et sait remettre les oursons à la mer euh dans la nature et je pleure.
Est-ce cela une ambivalence, un conflit intérieur très fort chez beaucoup – à cause des ours en peluche ? du côté bipède des ours – l’envie de les caresser mais ce sont des animaux sauvages à laisser en liberté.

L’ours, notre ancêtre, pensent les sibériens.

J’ai lu des livres de contes aussi , bien entendu. Impossible de tous les citer. J’ai cherché dans Afanassiev (version incomplète) et trouvé quelques histoires dans lesquelles l’ours est un gros lourdaud, ou bien est bête et méchant. Pas pour moi.

Les Contes et légendes de l'Ours, de Michel Bournaud (Hesse éditions) offrent une vingtaine de contes d'origines très diverses : Amérique du Nord, Sibérie, Groenland, Russie, France, Allemagne, Norvège, et prouve l'extrême richesse des représentations symboliques et des mythes que cet animal a fait naître depuis l'aube des temps, je n’y trouve pas mon beurre devant raconter aux petits de 3 à 6 ans ..

Et Boucle d’Or alors, non ? Non ! C’est la coqueluche des Maternelles avec « Roule galette », en tant que conteuse, je tends à m’éloigner des sentiers battus et rebattus.

Michka alors, non ? Non ! trop triste, un de mes enfants me l’avait fait ranger dans un placard et – cause peut-être de cela ? - j’ai du mal à ne pas pleurer moi-même en le lisant.

Pour finir voici ma racontée aux Maternelles : « petits », « moyens » et « grands ».
D’abord « Toc toc toc » - Ecole des loisirs : l’histoire d’animaux perdus dans la forêt.

J’ai succombé à l’ours anthropomorphe, le bon ours, « l’oncle ours » qui fait quand même peur à un moment, quand il n’est qu’une énorme ombre noire qui se penche sur les animaux cachés sous une couverture.

Ensuite : « La souris, la fraise et le gros ours affamé » - Mijade – l’ours, le gros ours affamé, n’est jamais représenté, il reste une menace diffuse pour la petite souris et l’encore plus petite fraise.

Ensuite : « Tony et Vagabond » : un conte musical d’Henri Dès. C’est qu’une des salariées de la Médiathèque joue de la guitare et les animations BB lui manquent. Elle avait trouvé les chansons jolies et ad hoc. D’accord avec elle, je les ai juste un peu enrobées de l’histoire … entière. Même pas petite fille qui a plus de 8 ans n’y a rien compris !! Mais que les yeux brillaient, que les enfants se trémoussaient et chantaient avec nous.

J’aurais pu ajouter « la Chasse à l’ours ». Oui finalement, j’aurais pu. A la fin un vrai ours surgit d’une caverne et tout le monde s’enfuit.

Aux grands j’avais très envie de raconter un conte inventé par son auteur Jackie Morris : « L’Ourse des neiges » qui s’inspire de la traditions inuit mais je n’étais pas prête..

Je n’avais pas non plus de comptines avec des ours en mémoire..

Bref les trois racontées se passent bien ... très bien même.

Ensuite la tradition des accueils de la maternelle à la Médiathèque est que les petits choisissent des livres et se les font lire par les grandes personnes présentes. Or, il y avait – tentateurs – deux bacs entiers d’ours-en-livres à leur portée.Que j’ai eu du mal à lire, après ma racontée, « Petit Ours brun » ou bien .. « Flocon », deux fétiches des revues enfantines, deux oursons anthropomorphes en diable, miroirs tendus aux tout-petits.

Certains albums forment des miroirs plus déformants voir iconoclastes comme : « Liberté Nounours » de Christian Bruel & Anne Bozellec re-publié par Thierry Magnier (à la suite du Sourire qui mord) ou « Haïku mon nounours » de Gilles Brulet et de Chiaki Miyamoto. l’Iroli, 2010. Ils étaient là aussi.

Les enfants ont eu ensuite plusieurs séances de lecture à la Médiathèque. Ils ont travaillé en classe sur la vie des ours, appris des chansons. Ils étaient incollables !

Et ils ont écrit une histoire : chaque classe complétait une idée de l’autre et ainsi de suite jusqu’à ce que : « Cachou et ses amis » ait pris forme.  Cachou est un ours blanc (sic !) qui vit sur la banquise et joue ... tout seul. Il se cherche des amis. En trouvera : renard, lapin, loup, pingouin, à un de plus c’est plus rigolo. A la fin, ils se construisent une cabane dans un sapin. Chacun fabrique quelque-chose. Bonne nuit les amis !

Tiens comme cela consonne avec « Bonne nuit les petits » ! Ah que notre mémoire est encombrée de personnages ursifiés pour le meilleur et pour le pire.

Mais que de bonheur autour de ces racontées, documentaires, séances d’écriture et d’illustration !

Ce projet a soudé enfants, parents et institutrices. Vive les ours !


Isabelle Cohen

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